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Bruxelles se penche sur l’IA de Google : une enquête antitrust est ouverte

By Thomas GROLLEAU

En ouvrant une enquête antitrust sur l’IA de Google, Bruxelles vise directement le cœur de la nouvelle économie de l’attention. Editeurs, créateurs YouTube et start-up d’IA craignent que le géant verrouille l’accès aux contenus et aux données. Derrière ce dossier, c’est l’équilibre entre innovation, concurrence et souveraineté numérique qui se joue.

A retenir :

  • Google visé pour l’usage de contenus en ligne et de YouTube par son IA
  • Risque d’amende allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial
  • AI Overviews accusés de siphonner le trafic des éditeurs en Europe
  • L’UE teste la portée réelle du DMA et du DSA face aux géants américains

Pourquoi Bruxelles cible l’IA de Google maintenant

Le 9 décembre 2025, la Commission européenne a officiellement lancé une enquête antitrust contre Google. Elle vise l’usage de contenus en ligne pour entraîner et déployer ses services d’intelligence artificielle, notamment Gemini, les AI Overviews et le « mode IA » intégré au moteur de recherche.

Selon la Commission européenne, l’objectif n’est pas de freiner l’IA, mais de vérifier si Google a imposé des conditions abusives aux éditeurs, aux créateurs et aux développeurs concurrents. La suspicion est claire : la firme aurait utilisé sa position dominante dans la recherche et la vidéo pour se constituer un avantage décisif dans la course à l’IA générative.

Ce bras de fer s’inscrit dans un climat tendu entre Bruxelles et Washington. L’Union vient déjà de sanctionner lourdement d’autres plateformes pour non-respect de la nouvelle régulation numérique. L’enquête sur l’IA de Google devient ainsi un test politique majeur pour la crédibilité européenne en matière de régulation des géants technologiques.

Dans les échanges que j’ai pu avoir avec des éditeurs et des experts du numérique, une inquiétude revient en boucle : l’IA intégrée dans le moteur de recherche risque de casser la chaîne de valeur qui finance l’information et une partie de l’économie du web.

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Principaux défis : AI Overviews, YouTube et le spectre du « Google Zero »

AI Overviews : quand la réponse IA enterre le clic

Les AI Overviews apparaissent en haut des résultats de recherche sous forme de blocs générés par l’IA. Ils résument directement la réponse, en s’appuyant sur des contenus issus de multiples sites.

Selon plusieurs études de référencement publiées en 2024 et 2025, la présence d’un AI Overview entraîne une chute nette du taux de clics sur les premiers résultats organiques. Sur certaines requêtes, le premier lien peut perdre plus d’un tiers de ses clics. Pour les sites d’info et les blogs spécialisés, cela signifie une baisse immédiate de trafic, donc de revenus publicitaires ou d’abonnements potentiels.

Dans plusieurs audits SEO auxquels j’ai eu accès, le même scénario se répète. Les pages restent en bonne position, mais l’utilisateur trouve la réponse dès le bloc IA. Il n’a plus besoin de visiter le site d’origine. La valeur économique du contenu est alors captée par Google, alors que le coût de production reste à la charge de l’éditeur.

YouTube, mine de données pour l’IA mais porte fermée aux autres

Deuxième volet au cœur de l’enquête : l’utilisation de YouTube pour entraîner l’IA de Google. Les vidéos publiées sur la plateforme, parfois depuis plus de dix ans, constituent une base d’apprentissage gigantesque pour les modèles comme Gemini.

Les créateurs reprochent deux choses. D’une part, ils n’ont pas de contrôle fin sur cette utilisation à des fins d’IA, ni de rémunération spécifique. D’autre part, Google n’autoriserait pas des usages similaires par des concurrents, via des restrictions contractuelles et techniques.

On se retrouve donc avec une situation très asymétrique. Google bénéficierait d’un accès privilégié à un trésor de données vidéo, tout en empêchant les autres acteurs de construire des modèles comparables à partir de la même matière première. C’est précisément le type de comportement que le droit européen de la concurrence cherche à cadrer.

Le spectre d’un web « Google Zero »

Un terme circule désormais souvent chez les spécialistes : « Google Zero ». Il décrit un web où le moteur répond à tout dans son interface, sans envoyer ou presque de trafic vers les sites sources.

« L’Europe tente d’éviter un web où quelques modèles d’IA capteraient à la fois l’attention, les revenus et les données, laissant les créateurs en périphérie. »

Ce risque n’est plus théorique. Avec AI Overviews, les réponses instantanées, et demain des assistants IA toujours plus intégrés, le moteur de recherche se rapproche d’un assistant conversationnel total, qui canalise l’essentiel de la relation utilisateur. Les éditeurs deviendraient alors de simples fournisseurs invisibles de matière première informationnelle.

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Impacts et conséquences pour l’écosystème numérique

Pour les éditeurs : un modèle économique brutalement fragilisé

Les médias européens restent très dépendants du trafic issu des moteurs de recherche. Une baisse de 30 à 40 % des clics sur certaines requêtes peut suffire à déstabiliser une rédaction déjà sous pression.

Premier retour d’expérience : un groupe de presse régional que j’ai suivi a vu chuter le trafic sur ses articles pratiques. Les requêtes du type « comment faire… », « quelles démarches… » sont désormais préemptées par des réponses IA complètes. Les articles restent bien placés, mais les sessions ne démarrent plus.

Selon des organisations professionnelles du secteur des médias, la généralisation de ce modèle IA rend l’écosystème structurellement plus fragile. Les sites assument les coûts rédactionnels et techniques, alors qu’une part croissante de la valeur se déplace vers l’interface de Google.

Pour les créateurs YouTube : un sentiment de “travail gratuit” pour l’IA

Les vidéastes ont le même sentiment de déséquilibre. Leurs vidéos nourrissent l’algorithme de recommandation, mais aussi désormais les modèles d’IA. Le tout sans que la règle du jeu soit claire, ni sur la rémunération, ni sur la possibilité de refuser cet usage.

Témoignage entendu lors d’une table ronde récente : un créateur expliquait que ses tutoriels techniques pourraient demain être résumés par l’IA, sans que sa vidéo soit mise en avant. « Je produis la connaissance, mais c’est la synthèse automatique qui récupère le clic », résumait-il.

On touche ici à une inquiétude profonde. La promesse initiale de YouTube était simple : visibilité contre contenu. L’arrivée de l’IA ajoute une couche d’exploitation des données que beaucoup n’avaient pas anticipée.

Pour les concurrents en IA : un terrain de jeu inégal

Deuxième retour d’expérience, côté start-up : une jeune pousse européenne de l’IA générative a dû renoncer à certains cas d’usage vidéo. L’accès à des corpus comparables à YouTube était juridiquement complexe et techniquement verrouillé. Résultat : des modèles moins riches et un désavantage structurel face à Google.

Selon plusieurs acteurs de l’écosystème, la combinaison moteur de recherche + plateforme vidéo + modèles d’IA crée un effet de verrouillage très puissant. Sans intervention du régulateur, il sera difficile pour des solutions européennes de rivaliser sur les usages généralistes.

Pour Google : risque d’amende record et d’obligations structurelles

Côté Google, l’enjeu dépasse largement l’image. L’entreprise encourt une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires mondial si l’abus de position dominante est avéré. Ce serait potentiellement l’une des sanctions les plus lourdes jamais infligées à un acteur du numérique.

L’entreprise conteste déjà la lecture de Bruxelles. Elle estime que le marché de l’IA est « plus compétitif que jamais » et que trop de contraintes sur les données risquent de freiner l’innovation en Europe. Cet argument du « frein à l’innovation » sera au centre des débats politiques dans les prochains mois.

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Tableau de lecture : qui risque quoi dans ce bras de fer ?

ActeurRisques immédiatsEnjeux à long terme
GoogleAmende allant jusqu’à 10 % du CA, obligations fortesAdapter ses modèles IA aux règles européennes, préserver sa légitimité
Editeurs / médiasBaisse du trafic, perte de revenus publicitairesNégocier une rémunération de l’IA, diversifier les sources d’audience
Créateurs YouTubeUtilisation non rémunérée de leurs contenus pour l’IAObtenir transparence, options de refus et nouveaux accords de licence
Concurrents IA (start-up, labs)Accès restreint aux données clésConstruire un écosystème IA européen moins dépendant des géants US
Régulateurs européensPression politique accrue, risque de sur-régulationProuver l’efficacité du DMA/DSA, poser un standard mondial crédible

Solutions et initiatives : ce que Bruxelles, Google et le marché peuvent faire

Les leviers européens : DMA, DSA et droit de la concurrence

L’enquête sur Google s’inscrit dans un ensemble d’outils plus large. Le Digital Markets Act (DMA) encadre les grandes plateformes « gatekeepers », tandis que le Digital Services Act (DSA) fixe de nouvelles obligations sur les contenus, la transparence et la modération.

Selon plusieurs médias spécialisés dans le numérique, la Commission veut démontrer que ces textes ne sont pas seulement symboliques. Elle cherche à imposer des garde-fous concrets à l’ère de l’IA générative : transparence sur l’usage des données, accès non discriminatoire à certaines ressources clés, et protection de la diversité des acteurs.

Les scénarios possibles pour Google

Plusieurs issues sont possibles, allant d’engagements volontaires à des remèdes plus intrusifs. Parmi les options évoquées par les experts :

  • mise en place d’outils de vrai opt-out pour les éditeurs et créateurs, concernant l’entraînement des modèles d’IA ;
  • évolution d’AI Overviews pour intégrer davantage de liens visibles vers les sources, avec une meilleure attribution ;
  • ouverture encadrée de certains accès, par exemple via des API, afin de réduire l’avantage exclusif tiré de YouTube.

Dans d’autres dossiers, l’Europe a déjà contraint Google à modifier la structure même de certains services. Il n’est donc pas exclu que l’IA devienne le prochain terrain de réformes techniques imposées.

Que peuvent faire les éditeurs et créateurs dès maintenant ?

En attendant l’issue de l’enquête, les éditeurs ne peuvent pas se contenter d’attendre. Dans les rédactions que j’ai pu observer, trois axes dominent. D’abord, diversifier les sources de trafic : newsletters, trafic direct, réseaux sociaux, applications. Ensuite, produire des contenus à forte valeur ajoutée, moins facilement résumables par l’IA brute. Enfin, se regrouper pour peser dans les discussions avec les plateformes et les régulateurs.

Selon des organisations professionnelles, cette enquête est aussi une opportunité de renégocier la place de l’IA dans la chaîne de valeur de l’information. La question clé sera celle de la rémunération et du contrôle des usages, bien au-delà du seul référencement classique.

Un moment charnière pour le modèle européen de régulation

Cette affaire est un stress test pour le modèle européen. Si Bruxelles va trop loin, les critiques sur un continent « hostile à l’innovation » reviendront en force. Si elle ne va pas assez loin, le DMA et le DSA seront vus comme des géants aux pieds d’argile.

En réalité, le défi est de trouver un équilibre fin : permettre le développement de l’IA, tout en s’assurant que les données, les contenus et l’attention des citoyens ne soient pas captés par un petit nombre d’acteurs sans contreparties ni contrôle démocratique.

Et maintenant, quel rôle pour les citoyens et les professionnels ?

Cette enquête dépasse largement le périmètre d’un conflit entre Bruxelles et un géant américain. Elle pose une question que chacun commence à ressentir au quotidien : qui décide de la façon dont nos données et nos contenus nourrissent l’IA ?

Les citoyens peuvent exiger plus de transparence sur les usages de leurs traces numériques. Les éditeurs, créateurs et développeurs peuvent documenter précisément les effets d’AI Overviews et des modèles d’IA sur leurs audiences, leurs revenus et leurs métiers. Ce matériau factuel pèsera dans les décisions à venir.

Et vous, comment percevez-vous cette enquête sur l’IA de Google : protection nécessaire du web ouvert ou frein excessif à l’innovation ? Racontez vos expériences de créateur, d’éditeur, de développeur ou simple utilisateur. Votre avis en commentaire aidera à nourrir un débat qui nous concerne tous.

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