Le recoupement d’informations en ligne expose des pans de la vie privée à de nouveaux risques. Des techniques d’agrégation et des outils publics permettent parfois la réidentification d’individus anonymes.
La CNIL alerte sur ces pratiques et propose des méthodes pour limiter les atteintes aux données personnelles. Les points suivants résument les enjeux et les protections utiles.
A retenir :
- Vulnérabilité des données publiques face au recoupement automatisé
- Consentement et RGPD parfois insuffisants pour empêcher la réidentification
- Importance de l’anonymisation et des mesures de sécurité informatique
- Responsabilités partagées entre opérateurs, médias, plateformes et utilisateurs
Recoupement d’informations en ligne : mécanismes et risques
Suite à ces constats, il faut comprendre les mécanismes techniques qui permettent le recoupement. Ces méthodes agrègent photos, métadonnées, géolocalisation et traces publiques pour dresser un profil.
ROSO et OSINT : principes techniques
Le ROSO repose sur la collecte automatisée d’éléments disponibles publiquement. Des scripts et des moteurs de recherche inversée croisent ces éléments pour extraire des corrélations.
Principales techniques utilisées :
- Web scraping et moissonnage de pages
- Recherche d’images inversée et analyse des métadonnées
- Analyse de réseaux sociaux et correspondances d’amis
- Agrégation de traces de géolocalisation et d’horodatage
Type de donnée
Facilité de récupération
Risque de réidentification
Photos publiques
Souvent accessibles via réseaux sociaux
Élevé si métadonnées présentes
Métadonnées EXIF
Récupération via image inversée
Moyen à élevé selon nettoiement
Trajets GPS
Collecte via apps sportive ou mobile
Très élevé pour localisation domicile
Avis et commentaires
Indexés par moteurs et sites
Moyen, cumulable avec autres sources
Cas pratiques de réidentification
Ces principes se retrouvent dans des cas concrets étudiés par des chercheurs et la CNIL. Selon la CNIL, des démonstrations internes montrent comment relier des comptes anonymes à des identités réelles.
« J’ai vu mon adresse apparaître après avoir publié une photo géolocalisée et un avis public »
Alexis B.
Ces incidents illustrent l’écart entre exposition publique et contrôle individuel des données. Le cadre juridique français et européen tente d’encadrer ces pratiques et d’arbitrer les droits.
Cadre juridique français et européen face au recoupement
Après avoir exposé les techniques, il faut analyser le cadre juridique applicable en France et en Europe. Selon Emmanuel Derieux, un équilibre délicat existe entre vie privée et liberté d’information.
Droit français et loi Informatique et Libertés
Le droit français distingue violations de la vie privée et violations des données personnelles. La loi de 1978 et ses articles définissent les obligations des responsables de traitement.
Principes juridiques clés :
- Légalité du traitement et finalités déclarées
- Durée de conservation limitée et proportionnalité
- Droit d’accès, rectification et effacement pour les personnes
Jurisprudence et coopération des acteurs
La jurisprudence a précisé le rôle des moteurs et des éditeurs dans l’accès aux archives. Selon la CJUE, un moteur de recherche peut devoir déréférencer des liens au nom du droit à l’oubli.
Décision
Effet juridique
Acteur concerné
CJUE C-131/12 (Costeja)
Déréférencement possible
Moteurs de recherche
CEDH Wegrzynowski
Refus général de réécriture historique
Éditeurs de presse
Tribunaux nationaux
Retrait ciblé et mesures conservatoires
Hébergeurs et éditeurs
CNIL
Sanctions administratives possibles
Responsables de traitement
« J’ai demandé le déréférencement d’une ancienne affaire et obtenu gain de cause partiel »
Marie N.
Ces décisions illustrent la difficulté d’arbitrer liberté d’information et vie privée numérique. L’enjeu suivant porte sur les gestes techniques et les outils à mobiliser pour diminuer l’exposition.
Regarder les explications vidéos peut aider à comprendre les démarches pratiques. Vous trouverez ci-dessous une présentation pédagogique sur les droits et procédures.
Protéger sa vie privée numérique : outils et gestes simples
Après le droit, l’enjeu pratique consiste à limiter l’exposition des données personnelles. Des mesures techniques et comportementales réduisent les risques de profilage et de réidentification.
Paramètres et gestion des cookies et traceurs
Les cookies et autres traceurs sont au cœur du profilage publicitaire et des fuites. Réduire leur portée et contrôler le consentement limite considérablement la collecte abusive.
Réglages de confidentialité recommandés :
- Désactiver géolocalisation par défaut sur les applications
- Limiter le partage public des publications sensibles
- Utiliser courriels distincts pour comptes séparés
- Activer l’authentification à deux facteurs systématiquement
« La protection efficace combine anonymisation et pratiques de sécurité informatique robustes »
Thomas N.
Ces gestes s’accompagnent d’outils : navigateurs privés, bloqueurs de traceurs et gestionnaires de mots de passe. Leur usage réduit l’empreinte numérique et complique le recoupement automatisé.
Anonymisation et sécurité informatique : limites et solutions
L’anonymisation complète reste difficile face aux croisements massifs de traces publiques. Selon la CNIL, des méthodes d’anonymisation doivent être combinées à des mesures de sécurité informatique.
Mesures techniques prioritaires :
- Chiffrement des sauvegardes et des communications
- Nettoyage régulier des métadonnées avant diffusion
- Utilisation d’outils d’anonymisation reconnus
- Surveillance proactive des comptes pour détection d’usurpation
« Notre association a accompagné plusieurs victimes dans leurs démarches de déréférencement »
Claire N.
Mettre en pratique ces recommandations demande patience et rigueur, mais elles réduisent notablement les risques. Pour aller plus loin, consultez les ressources juridiques et techniques disponibles.
Source : Emmanuel Derieux, « Vie privée et données personnelles », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, juin 2015 ; Cour de justice de l’Union européenne, « Affaire C-131/12 Mario Costeja Gonzalez », Jurisprudence, 2014 ; CNIL, « Recoupement d’informations en ligne : ce que vous publiez peut … », CNIL.